Ça y est, la saison internationale est clôturée.

 

Une saison riche en émotion, tout aussi difficile qu’elle fût magique, avec, comme évènement marquant, ma participation aux Jeux Olympiques de Tokyo.

 

Nombreux sont ceux qui me demandent comment j’ai vécu cette compétition, et peu de mots me viennent.

C’est encore un peu le flou, car derrière mes sourires, j’ai aussi des maux à panser.

 

L’expérience est folle. Je m’envole le 06 juillet direction Tokyo sans repère mais avec une envie folle de vivre tout ça à fond. Une fois sur place, nous sommes tous les slalomeurs dans un même hôtel afin de réaliser un stage de préparation sur le bassin olympique. Je suis excitée, j’ai envie de tout partager avec les personnes qui me suivent. 

 

Après ces 15jours d’isolement, il est l’heure pour nous d’intégrer le village olympique avec un mélange de crainte et de joie. J’intégre mon comité olympique, et je rencontre tous les sportifs et le staff, ayant la même fierté que moi, celle de représenter les couleurs du Maroc.

 

Mais dans tout ça, il y a de la crainte. Le monde me fait peur. Tout le monde se mélange, et malgré les gestes barrières, les protocoles de l’organisation, et les consignes de nos comités olympiques respectifs, je flippe ! 


Ça ne m’empèchera pas d’être émerveillée face à TOUS les sportifs de PARTOUT et de tous les sports, venus ici, pour disputer la même course que moi.

 

J’aperçois des têtes connues, j’échange même quelques mots avec certains d’entre eux. Le plus dingue, c’est qu’ils s’intéressent autant à moi que je m’intéresse à eux. La magie des Jeux, c’est que qui que tu sois, d’où que tu viens, quoi que tu fasses, t’es un(e) champion(ne).

 

La cérémonie d’ouverture, j’en n’ai pas vu grand chose mais de mon côté, c’était incroyable. J’étais tellement dans une bulle de bonheur, c’était fou et émouvant à la fois.
Rapidement, vient l’heure des choses sérieuses. 

 

Dans mon sport, nous ne pouvons pas nous entrainer sur le parcours de la course avant de prendre le départ. Nous avons navigué 15jours sur le bassin afin de faire connaissance avec tous les mouvements d’eau, mais nous ignorions jusqu’à la veille de la course, où seront placées les 25 portes du parcours.
C’est donc du bord, que nous observons le tracé en faisant un travail de visualisation.
Des athlètes sont présents pour nous faire une démonstration du parcours afin de nous aiguiller sur la faisabilité, l’efficacité et la rapidité de nos options.
Je trouve le tracé difficile, avec des options difficiles et qui, en temps normal, m’aurait retourné l’estomac et certainement, d’autres organes présents dans mon abdomen. Mais rapidement, je réalise que je n’ai ni le choix, ni le temps de laisser place à mes peurs. Je me masse les lobes temporaux, je contrôle mes amygdales. Ça fait son effet puisqu’il m’aura fallu quelques minutes pour me dire « Nan mais là, faut y aller! ».

La nuit qui a précédé ma course, j’ai assez bien dormi. Réveillée à 05h du matin, je me retourne 1000fois dans mon lit en carton avant de me rendormir 10min avant que mon réveil sonne (la classique!). Au petit déjeuner, j’ai peu d’appétit mais à priori, c’est normal.
Je suis plus qu’heureuse d’être là, d’enfiler mon dossard tout joli, de clipper mon casque, et de me mettre à l’eau. Je boue au sens propre comme au sens figuré. (l’eau est à 32 degré, un peu comme l’air ambiant). Je ne m’échauffe pas longtemps, je me sens bien et je chante du Nelly Furtado à tue tête. (Allez savoir pourquoi…)
Au départ, je sais ce que je dois faire. J’aperçois Didier, ça m’apaise ! Puis quand les bip commencent, j’entends plus rien, je kiffe le moment.

Mes deux manches de qualification ne sont pas jolies jolies mais je ne rougis pas en disant que j’en ai bavé. C’était un bassin difficile avec un tracé difficile.
A la fin de mes manches, je ne garde que les beaux passages que j’ai fait, et je suis encore émerveillée de voir tous ces anneaux partout (telle une enfant dans un parc d’attraction).

Je me couche le soir, des étoiles plein les yeux et le sourire aux lèvres. C’était sans compter sur une masse incroyable de messages d’insultes, des menaces affreuses provenant de personnes inconnues, déçues de mon résultat. Je n’étais pas prête à vivre ça, je n’imaginais même pas que ça pouvait arriver. Je panique, je suis triste de décevoir à ce point...

Ça fait mal.... et même si je suis habituée à soigner des blessures, je galère à trouver le bon protocole pour celle-ci.

J’avais pourtant annoncé que j’avais déjà tout gagné en me sélectionnant, le reste n’était que du bonus pour moi.

Désolée pour celles et ceux que j’ai déçu et merci à tous ceux qui m’ont épaulé avant, pendant et après.
Je suis fière d’avoir été au bout de ce projet qui se superposait avec mon travail d’infirmière.
Fière d’être une sportive amatrice parmi des sportives professionnelles.
Fière de m’être battue depuis tant d’année pour obtenir ce ticket.
Fière d’être la seule africaine au départ de ces Jeux Olympiques en slalom.
Fière de porter les couleurs du Maroc.
Fière de moi !

Les dernières années ont été très chargées professionnellement, sportivement et émotionnellement.

Avant de me projeter sur Paris 2024, j’ai besoin de « vacances ».
Un projet, ça se dessine. J’ai plein de crayons mais je n’ai plus de feuille. Je file donc en chercher et je reviens !